Et d'attendre que ça passe. Combien sont-ils ces laissés pour compte qui oublient de se mouvoir parce qu'ils en ont assez de tout ? Sans doute plus nombreux qu'on ne le sait.
Il y a mille manières de renoncer sans le dire. Le vieillard sans famille qui décroche parce qu'il ne supporte plus sa solitude. L'élève noyé dans un système éducatif inadapté. Le père de famille au chômage. L'ivrogne qui a adopté la bouteille pour tromper ses soucis. Le clochard qui s'installe dans la rue et ne la quitte plus. La vieille dame d'à côté, isolée dans son immeuble. L'ouvrier enchaîné sur la ligne de production. Inutile de les énumérer tous, ça ne change rien.
Une société qui abandonne ceux qui ne peuvent suivre le mouvement général n'est pas une société respectueuse des individus. Cette société, la nôtre, ne songe qu'au profit et se débarrasse des trainards, de ceux qui ne savent pas s'imposer, des improductifs. Notre société est en perpétuelle représentation, mise tout sur l'apparence, la richesse, la notoriété. Elle use des médias, esbrouffe le tout venant par clichés répétés. Qui ne rêve pas d'occuper le devant de la scène ? Le culte de l'image est exploité comme si c'était la seule raison d'être, la seule justification de l'existence. Les émissions qualifiées "peoples" sont légions auxquelles s'accrochent les têtes innocentes, persuadées que participer leur apportera ce qu'elles recherchent. Comme si tout le monde pouvait devenir quelqu'un grâce à des simulacres de concours que ces émissions savent si bien mettre en scène. Le manque de réflexion populaire est si facile à exploiter. Combien d'appelés à la réussite qui voient s'effriter de jour en jour leurs espérances ? Combien d'exclus anéantis par le système ? Si encore les prestations proposées étaient de qualités, peut-être pourrait-on se laisser berner. C'est tellement cousu de fil blanc qu'on ne peut que constater que ce n'est qu'un attrape-nigaud . Malheureusement, les laissés pour compte rêvent malgré tout d'être découverts par ces magiciens sans scrupule.
Tout n'est que paillettes. Quand on tombe dans l'oubli, c'est la mort assurée au bord du chemin.