Malgré un changement de ministres et des propositions qui prendraient en compte certaines réalités, le raïs est de plus en plus isolé. Il n'a plus désormais le soutien de l'armée qui prend le parti du peuple. Un sacré retour de bâton pour avoir conduit ce pays de manière dictatoriale et d'être resté trop longtemps au pouvoir. Une sacrée victoire pour les égyptiens qui, même privés de moyens de communication, ont su se mobiliser et entamer un bras de fer sans coordination. Deux semaines que cela a éclaté et toujours le même refus de voir encore aux rênes des hommes connus depuis longtemps et dont ils ne veulent plus. Et pourtant, ils ont payé un lourd tribu : quelque 150 morts au cours des affrontements, des pillards libérés, semble-t-il, par les forces de l'ordre, des policiers qui auraient participé aux saccages des magasins, des nuits à vivre dans la peur et des équipes de surveillance pour qu'il n'arrive rien aux familles... Rien ne les a découragés. A croire même que plus on voulait les enfermer et voir la troupe s'en prendre à eux a renforcé leurs convictions et leur détermination.
A l'heure actuelle, les états européens et américain demandent à leurs ressortissants de quitter l'Egypte, les risques de dérapage sont grands tant tout est chamboulé et instable. Diplomatiquement, on reste prudent, exhortant le chef d'état égyptien à entreprendre des réformes et respecter les droits et les libertés fondamentaux. Chez nous, on fait cela sur la pointe des pieds. Et pour cause. Quel est le devenir d'un pays en pleine révolution, pays devenu la pierre angulaire de toute une stratégie politique au Moyen-Orient, clé de voûte de l'équilibre de la région ? Un changement aussi abrupt ne présage rien de bon car il faudra revoir toute la politique menée depuis des décennies. Bien des interrogations se posent, et notamment l'instauration d'un nouveau régime. Si l'armée, gênée dorénavant par HM, ne cherche plus qu'à l'évincer, ne risque-t-on pas un putsch militaire ? Et une dictature qui ne serait pas autre chose qu'un autre malheur que subirait ce peuple qui aspire à la démocratie ?
A force que les états aient fait ami-ami avec tous les dictateurs, l'opinion des révolutionnaires ne pourra pas être favorable aux "ingérents" étrangers notamment sur le plan des échanges commerciaux, de l'implantation d'entreprises occidentales et autres abus d'une politique complice d'état à état. Une situation très complexe qu'il faudra traiter avec beaucoup de doigté.